Douleur chronique : bouger est un traitement naturel et efficace

Pourquoi il ne faut pas arrêter de bouger quand on a mal?

Quand la douleur s’installe, notre réflexe est souvent d’arrêter de bouger, ce qui est totalement normal. Pourtant, en réalité, l’inactivité entretien souvent la douleur au lieu de la soulager. Découvrez pourquoi la douleur persiste et comment des exercices bien adaptés permettent de reprendre le contrôle en toute sécurité.

Le principe de réversibilité

Si vous cessez de bouger, votre corps s’adapte… en perdant progressivement les capacités qu’il avait développées. C’est ce que l’on appelle le principe de réversibilité, un fondement en physiologie de l’exercice. Le corps s’adapte constamment aux contraintes qu’on lui impose. Lorsqu’on ne lui en impose plus, il réagit en désentraînant ses systèmes. Vos muscles perdent du volume et de la force. Vos articulations deviennent plus rigides. La circulation ralentit. Votre système nerveux devient plus sensible aux signaux de douleur. Ainsi, en l’absence de stimulation, le corps revient peu à peu à son état fonctionnel de base. En effet, votre génétique détermine en partie cet état. De plus, votre âge, votre mode de vie et votre niveau d’activité antérieur l’influencent aussi. Par conséquent, même une inactivité temporaire peut entretenir la douleur chronique et fragiliser l’ensemble de l’organisme.

La peur et les croyances amplifient la douleur

La douleur est profondément influencée par ce que nous pensons, ressentons et anticipons.

Parmi les facteurs psychologiques les plus étudiés, on retrouve le catastrophisme lié à la douleur. Il se manifeste notamment par une amplification de la perception menaçante du stimulus douloureux, un sentiment d’impuissance face à la douleur, de même que par une difficulté à inhiber les pensées négatives associées à la douleur, que ce soit avant, pendant ou après une expérience douloureuse.

Autrement dit, certaines personnes vont interpréter des sensations normales ou bénignes comme s’il s’agissait de signes d’un dommage grave. Par conséquent, cela active une réaction de peur, qui pousse à éviter certains mouvements – non pas parce qu’ils sont réellement dangereux, mais plutôt parce qu’on anticipe qu’ils vont faire mal. Cette anticipation est traitée par une région du cerveau appelée le cortex cingulaire antérieur, impliquée dans l’évaluation des menaces et la gestion de la douleur.

Avec le temps, cette peur peut entraîner une hypervigilance : une attention excessive portée aux moindres sensations du corps. Résultat ? Même un signal bénin peut être perçu comme une douleur intense. Le cerveau devient plus sensible à la douleur.

Et plus on évite les activités qui nous faisaient du bien, plus on a tendance à s’isoler. L’inactivité s’installe, l’anxiété augmente, et la douleur prend encore plus de place dans la vie quotidienne. L’isolement social, en plus de nuire à la santé mentale, réduit notre seuil de tolérance à la douleur.

L’exercice désensibilise votre système nerveux

L’activité physique stimule, en effet, la libération d’endorphines et d’autres substances naturelles, lesquelles contribuent à réduire la perception de la douleur. Ces endorphines agissent de manière similaire à la morphine, car elles se lient aux récepteurs opioïdes du corps, bloquant ainsi la transmission des signaux nociceptifs, c’est-à-dire des signaux responsables de la douleur.

Le phénomène, appelé analgésie endogène induite par l’exercice, signifie que bouger — même légèrement — permet au cerveau de mieux filtrer et réguler les signaux douloureux. En fait, il suffit souvent d’environ 10 à 15 minutes d’activité aérobie modérée, comme de la marche rapide ou du vélo stationnaire, pour observer un effet analgésique temporaire. L’intensité n’a pas besoin d’être élevée : un effort à environ 50 à 70 % de ta fréquence cardiaque maximale peut suffire. Chez certaines personnes, même 5 minutes de mouvement doux peuvent amorcer une réponse bénéfique. Ainsi, il s’agit d’une des meilleures façons de reprendre le contrôle sur son corps.

Lorsque tu recommences à bouger progressivement, tu envoies un message clair à ton système nerveux :
« Ce mouvement est sécuritaire. »

Par conséquent, ta circulation sanguine se réactive, tes muscles se renforcent, tes articulations se lubrifient, et ta confiance envers ton corps se restaure progressivement. C’est ainsi que tu peux briser durablement le cercle vicieux de la douleur.

Spirale de la kinésiophobie – Adaptée de Vlaeyen 1999 et de Cook et al. 2005

La douleur chronique et l’activité physique

L’activité physique a de nombreux effets positifs, autant sur la santé physique que mentale. Elle augmente la force et la masse musculaire. Elle améliore aussi l’endurance, la flexibilité, la coordination et l’équilibre.

Sur le plan psychologique, elle procure un sentiment de bien-être. Elle favorise un meilleur sommeil, diminue le stress et réduit la sensation de fatigue. Elle améliore aussi l’humeur.

Si tu bouges en groupe, tu profites en plus d’un effet social. Cela aide à prévenir l’isolement.

Enfin, l’activité physique joue un rôle clé dans la prévention et le contrôle de plusieurs maladies comme le diabète, l’hypertension ou l’arthrose.

Apprendre à bouger sans crainte

La meilleure façon de reprendre le contrôle sur la douleur chronique, c’est d’adopter une vision positive du mouvement. En pratiquant graduellement l’activité physique, tu vas réapprendre à bouger sans crainte. Avec le temps, tu vas briser le cercle vicieux de la douleur et retrouver une meilleure qualité de vie.

Maxime Allard

B. Sc. Kinésiologie